Œuvres
Lequel de ces deux buts se propose la peinture relativement à chaque objet est-ce de représenter ce qui est tel qu’il est, ou ce qui parait, tel qu’il parait ? Est-elle l’imitation de l’apparence ou de la réalité ?
De l’apparence.
L’imitation est donc loin du vrai, et si elle façonne tous les objets, c’est, semble-t-il, parce qu’elle ne touche qu’à une petite partie de chacun, laquelle n’est d’ailleurs qu’une ombre. Le peintre, dirons-nous par exemple, nous représentera un cordonnier, un charpentier ou toute autre artisan sans avoir aucune connaissance de leur métier; et cependant, s’il est bon peintre, ayant représenté un charpentier et le montrant de loin, il trompera les enfants et les hommes privés de raison, parce qu’il aura donné à sa peinture l’apparence d’un charpentier véritable .
Certainement.
Eh bien ! ami, voici, à mon avis, ce qu’il faut penser de tout cela. Lorsque quelqu’un vient nous annoncer qu’il a trouvé un homme instruit de tous les métiers, qui connaît tout ce que chacun connaît dans sa partie, et avec plus de précision que quiconque, il faut lui répondre qu’il est un naïf, et qu’apparemment il a rencontré un charlatan et un imitateur, qui lui en a imposé au point de lui paraître omniscient, parce que lui-même n’était pas capable de distinguer la science, l’ignorance et l’imitation.
2/ D’une façon générale, il faut dire que l’art, quand il se borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu’il ressemble à un ver qui s’efforce en rampant d’imiter un éléphant.
Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si on les compare aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer l’homme, c’est le plaisir de créer quelque chose qui ressemble à la nature. Et de fait, il peut se réjouir de produire lui aussi, grâce à son travail, son habilité, quelque chose qui existe déjà indépendamment de lui. Mais justement, plus la reproduction est semblable au modèle, plus sa joie et son admiration se refroidissent, si même elles ne tournent pas à l’ennui et au dégoût. Il y a des portraits dont on a dit spirituellement qu’ils sont ressemblants à vous en donner la nausée. Kant donne un autre exemple de ce plaisir qu’on prend aux imitations : qu’un homme imite les trilles du rossignol à la perfection, comme cela arrive parfois, et nous en avons vite assez ; dès que nous découvrons que l’homme en est l’auteur, le chant nous paraît fastidieux ; à ce moment, nous n’y voyons qu’un artifice, nous ne le tenons ni pour une uvre d’art, ni pour une libre production de la nature.

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